EXPOSITION : VERDUN, LA GUERRE AÉRIENNE

Le musée de l’Air et de l’Espace accueille jusqu’au 29 janvier 2017 l’exposition Verdun, la guerre aérienne. Elle s’inscrit dans le cycle des commémorations de la Première Guerre mondiale et met en relief un aspect peu abordé : la part capitale de l’aéronautique dans la bataille de Verdun en 1916. Nous avons assisté, au titre du blog Cockpit & Boudoir, à l’inauguration et à la visite presse le 14 octobre.

 

« Le risque est grand d’oublier la bataille de Verdun et ses héros. Puisque le ciel a pansé ses plaies, il nous revient à nous, un siècle plus tard, d’en faire mémoire. »

Catherine Maunoury, directrice du musée de l’Air et de l’Espace, lors de l’inauguration de l’exposition.

 

Genèse de l’exposition

 Trois raisons ont poussé le musée de l’Air et de l’Espace à mettre en place cette exposition. D’une part, le musée inscrit sa programmation culturelle dans le cycle des commémorations de la Première Guerre mondiale. D’autre part, la bataille de Verdun a souvent été présentée sans que l’aviation soit mise en valeur ni même évoquée. Le musée a donc souhaité lui redonner la place qu’elle mérite. Enfin, les équipes ont ici mis en dialogue des objets et des œuvres venant d’institutions différentes (GIFAS, musée de l’Armée, Service Historique de la Défense…). Réunis, ils donnent un autre regard à cette période.

Cette exposition est un « produit maison », dans le sens où elle a été entièrement conçue par le musée de l’Air et de l’Espace. Son parti pris ? Diversifier les approches de l’aviation dans cette bataille : militaire, culturelle, anthropologique… C’est ici un moyen de sensibiliser le public à la multiplicité des approches de l’Histoire.

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L’aviation, oubliée de la bataille de Verdun

L’aviation est absente de la mémoire collective. Cela peut s’expliquer par le rôle qu’ont joué les fantassins dans la construction de cette mémoire. A l’époque de la bataille de Verdun, la population retient les figures des pilotes, et parmi eux des As, faisant la Une des journaux et présentés comme des héros. Les fantassins, eux, restent anonymes. Le rôle des pilotes aurait donc été volontairement occulté, la mémoire de la bataille et l’historiographie se construisant sans les aviateurs. Verdun, la guerre aérienne, a donc aussi pour but de montrer les conditions de vie et de combat des aviateurs qui étaient considérés comme privilégiés.

Un ouvrage collectif accompagne l’exposition. Co-édition musée de l’Air et de l’Espace / Pierre de Taillac. 216 pages. 29,90€.

Un ouvrage collectif accompagne l’exposition.
Co-édition musée de l’Air et de l’Espace / Pierre de Taillac.
216 pages.
29,90€.

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Le rôle crucial de l’aviation

A Verdun, l’aéronautique a bel et bien un rôle capital. A la demande du Général Pétain, le commandant de Rose réorganise la flotte française. En quelques semaines, elle reprend du terrain sur la flotte allemande et l’on observe des progrès dans les méthodes de combat. Les avions des Français sont maniables mais leur armement reste beaucoup moins performant que dans le camp allemand.

La première semaine de bataille est très compliquée, les troupes ne sachant pas de quelle manière procéder. C’est au cours des semaines suivantes que se met en place la première théorisation des techniques de flotte d’avions de chasse. C’est une étape capitale dans le développement de l’aviation de combat. On prend conscience que la supériorité aérienne est indispensable.

Dans cette guerre, « aviation » ne signifie pas seulement « bombardements ». En effet, les bombardements produisent surtout un effet sur le moral. La propagande s’installe à travers les bombardements. Ce ne sont pourtant pas eux qui font basculer la guerre, mais leur impact psychologique est fort.

Si l’on met en œuvre l’aviation de chasse c’est aussi pour protéger une autre mission : l’observation et l’ajustement de l’artillerie. Pour faire tirer plus loin l’artillerie, il faut voir plus loin donc aller plus haut. C’est le rôle des observateurs depuis les ballons, aussi chargés des photos aériennes.

L’artillerie et l’aviation doivent ainsi communiquer pour viser les cibles. C’est une nouvelle stratégie qui se met en place. On compte 17 000 pilotes et des milliers d’observateurs.

C’est également pendant cette bataille qu’apparaît pour la première fois la notion de commerce international, même si au début Verdun ne profite pas à l’aviation. C’est plus tard pendant la guerre que l’on parlera de production de masse industrialisée.

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Le Nieuport XI « Bébé » est le principal avion utilisé par les unités de chasse françaises à Verdun. L’exemplaire du musée est repeint aux couleurs de l’avion du commandant de Rose. L’entoilage en lin écru et enduit laisse voir la structure en bois du biplan, en particulier le longeron unique de l’aile inférieure beaucoup plus petite que l’aile supérieure, qui en comporte deux. Son moteur rotatif de 80 ch lui permet d’atteindre une vitesse de 160 km/h, extrêmement rapide pour l’époque.

Le Nieuport XI « Bébé »

Cet avion est la pièce phare de l’exposition. Il s’agit du premier avion de chasse français produit et utilisé en masse. L’avion de Verdun, ici repeint aux couleurs du commandant Tricornot de Rose. Plus performant que le Fokker, cet avion permet à l’aviation française de reprendre l’avantage pendant la bataille de Verdun. Cet exemplaire unique au monde, exposé dans la grande galerie du musée de l’Air et de l’Espace, a été exceptionnellement déposé pour être présenté dans l’exposition.

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Une voiture dans l’expo : la torpédo Sigma

La voiture est le symbole de l’évolution des sociétés. En 1914-1918, on observe un traitement de la guerre aérienne par la propagande (cartes postales, revues illustrées, expositions…). La torpédo Sigma que Georges Guynemer se fait construire en 1916, en est le reflet. Par ce cadeau à l’As, on cherche à montrer que la guerre aérienne peut être source d’accomplissement personnel. Les lignes sportives de l’automobile, prêtée par le musée éponyme de Compiègne, ont été dessinées par le pilote lui-même, dans un objectif tant aérodynamique qu’ostentatoire. Une anecdote, racontée dans l’exposition, le montre bien. Le 11 mai 1917, deux gardiens de la paix en faction avenue de la Grande Armée demandent à Guynemer ses papiers. Ce dernier rétorque « vous, agent 323 du 17e arrondissement, vous aurez des nouvelles pour avoir été grossier ! » et prend la fuite. Le « PV », rapport émanant de la Préfecture de police, est présenté dans l’exposition.

Torpédo Sigma. Construite sur autorisation spéciale du ministère de la Guerre, alors que les usines doivent se consacrer à l’effort de guerre, cette voiture de sport fut dessinée par Guynemer lui-même. Elle témoigne de l’aura grandissante de certains as en 1916.

Torpédo Sigma. Construite sur autorisation spéciale du ministère de la Guerre, alors que les usines doivent se consacrer à l’effort de guerre, cette voiture de sport fut dessinée par Guynemer lui-même. Elle témoigne de l’aura grandissante de certains as en 1916.

 

Cette belle et grande exposition est particulièrement enrichissante et réussie sur le plan scénographique. C’est l’occasion, même pour les plus passionnés d’entre nous, de réviser ses connaissances et de réaliser pleinement toute la complexité de la guerre aérienne. Le musée de l’Air et de l’Espace a voulu raconter la vraie histoire des aviateurs de Verdun et se souvenir, comme l’exprime Catherine Maunoury, « d’une voie sacrée trop oubliée, celle des airs. »

 

Ces surbottes, évitant de se geler les pieds à haute altitude, étaient certainement utilisées par les aéronautes. En avion, pas évident d’être précis sur les palonniers !

Ces surbottes, évitant de se geler les pieds à haute altitude, étaient certainement utilisées par les aéronautes. En avion, pas évident d’être précis sur les palonniers !

 

En savoir plus sur l’exposition

 

AA